
Contrairement à l’image romantique du connaisseur au flair infaillible, l’authentification d’une œuvre d’art est moins un acte de magie qu’une enquête rigoureuse. L’avis d’un expert n’est pas une opinion, mais le verdict d’une investigation méthodique qui croise l’analyse matérielle, la traçabilité historique et une connaissance intime de la signature stylistique de l’artiste. Cet article vous ouvre les portes de ce processus confidentiel pour comprendre comment la vérité d’une œuvre se construit, preuve par preuve.
Un grenier poussiéreux, une toile héritée d’un lointain parent. Au dos, une signature à peine lisible, un nom qui fait rêver. Et la question, lancinante, qui s’installe : est-ce un vrai ? Cette interrogation, que de nombreux collectionneurs, héritiers ou simples curieux se sont posée, ouvre la porte d’un monde aussi fascinant que secret : celui de l’expertise en art. Dans ce domaine, Paris et ses institutions comme Drouot, qui orchestre près de 1 300 vacations annuelles et 500 000 lots, sont le théâtre permanent de cette quête de vérité.
Face à une œuvre, l’imaginaire collectif convoque la figure de l’expert à la loupe, capable de reconnaître la main du maître en un clin d’œil. On pense à la signature, à la « touche » de l’artiste. Si cette sensibilité, ce « connoisseurship », est bien réelle, elle n’est que la partie émergée de l’iceberg. La réduire à une simple intuition serait une grave erreur, une platitude qui ignore la complexité du processus et la rigueur quasi scientifique qu’il exige.
Mais alors, si ce n’est pas un don, qu’est-ce que l’œil de l’expert ? C’est la capacité à mener une enquête. L’expert en art est un détective qui collecte des indices, interroge la matière, suit des pistes dans les archives et confronte les faits. Son travail est un duel intellectuel contre le temps, contre l’usure des matériaux, et parfois, contre le génie des faussaires. La conviction de l’expert n’est jamais un coup de tête ; c’est une conviction raisonnée, l’aboutissement d’une instruction à charge et à décharge.
Cet article vous propose de passer de l’autre côté du miroir. Nous allons décomposer les étapes de cette enquête, apprendre à choisir le bon « détective » pour votre œuvre, explorer des cas où leur verdict a changé l’histoire de l’art, et comprendre le rôle crucial des « papiers d’identité » d’une œuvre. Préparez-vous à entrer dans les coulisses où se décide ce qui est art et ce qui n’est qu’illusion.
Pour naviguer dans cet univers complexe, il est essentiel de comprendre la méthodologie de l’expert, les acteurs du marché et les outils à votre disposition. Cet article est structuré pour vous guider pas à pas dans les arcanes de l’authentification et de la valorisation.
Sommaire : Les secrets de l’expertise d’une œuvre d’art
- Comment un expert sait-il si un tableau est un vrai ou un faux ? Les 3 étapes de l’enquête
- Comment choisir le bon expert pour votre œuvre d’art ?
- Le Caravage trouvé dans un grenier : ces histoires incroyables où l’œil de l’expert a tout changé
- Quand les experts ne sont pas d’accord : les grandes batailles d’attribution du monde de l’art
- Certificat d’authenticité, catalogue raisonné : les « papiers d’identité » de votre œuvre d’art
- Dans la tête des plus grands faussaires : artistes ratés, génies de la technique ou escrocs ?
- La checklist de l’expert : les 7 critères qui font la valeur d’une œuvre d’art
- Vrai ou Faux ? Plongée dans la cyberguerre entre les faussaires de génie et les experts en art
Comment un expert sait-il si un tableau est un vrai ou un faux ? Les 3 étapes de l’enquête
Loin d’être un simple examen visuel, l’authentification d’une œuvre est un processus d’investigation en trois temps, où chaque étape vient corroborer ou infirmer la précédente. C’est un faisceau d’indices convergents qui mène à une conviction raisonnée. L’expert ne se contente pas de regarder ; il interroge, analyse et retrace.
La première étape est l’analyse stylistique et le connoisseurship. C’est le fameux « œil ». L’expert, spécialisé dans une période ou un artiste, a mémorisé des milliers d’œuvres. Il examine la composition, la palette de couleurs, le traitement de la lumière, et surtout, la « signature stylistique » de l’artiste : la manière unique de poser la matière, de dessiner un visage, de rendre un drapé. C’est une connaissance intime, presque charnelle, de l’œuvre du maître. Il recherche la cohérence avec le corpus connu de l’artiste à une période donnée, traquant l’anachronisme ou l’hésitation qui pourrait trahir une copie.
La deuxième étape est l’interrogatoire de la matière. Ici, l’enquêteur devient un expert en criminalistique. L’œuvre est soumise à des analyses scientifiques pour faire parler ses composants physiques. Des laboratoires spécialisés, comme le laboratoire MSMAP à Paris, analysent les matériaux et leur vieillissement. L’étude des pigments peut révéler l’utilisation de couleurs qui n’existaient pas à l’époque supposée de la création. L’analyse du support (toile, bois) et des craquelures permet de dater l’objet et de confirmer un vieillissement naturel. C’est une contre-enquête matérielle qui valide ou détruit l’hypothèse stylistique.
Enfin, la troisième étape est l’enquête historique, ou la traçabilité de la provenance. Une œuvre d’art a une vie, un parcours. L’expert tente de reconstituer cette histoire en recherchant sa présence dans d’anciennes collections, des inventaires après décès, des catalogues de vente ou des expositions. Une provenance claire et ininterrompue, idéalement depuis l’atelier de l’artiste, est un indice majeur. C’est un travail d’archiviste qui vient ancrer l’œuvre dans une réalité historique et documentaire, constituant la dernière pièce du dossier d’instruction.
Comment choisir le bon expert pour votre œuvre d’art ?
Engager un expert n’est pas une démarche anodine. Le choix de cet enquêteur déterminera la qualité de l’instruction et, in fine, la reconnaissance et la valeur de votre œuvre. Le marché de l’art parisien, riche et complexe, offre plusieurs profils d’experts, chacun avec ses spécificités, ses avantages et ses potentiels conflits d’intérêts. Il est donc crucial de savoir à quelle porte frapper.
Le premier réflexe est souvent de se tourner vers les experts des grandes maisons de ventes internationales comme Christie’s, Sotheby’s ou la française Artcurial. Leurs spécialistes, organisés par département (Maîtres Anciens, Art Moderne, etc.), bénéficient d’une réputation mondiale et d’un accès inégalé aux dernières transactions du marché. Ils offrent une expertise souvent gratuite dans l’optique d’une mise en vente. Cependant, leur avis est lié à un objectif commercial, et leurs frais de vente peuvent être significatifs.

Une autre voie est celle des experts indépendants agréés. En France, des organismes comme la SFEP (Syndicat Français des Experts Professionnels en œuvres d’art), la CNES (Chambre Nationale des Experts Spécialisés) ou la CNE (Compagnie Nationale des Experts) regroupent des spécialistes reconnus pour leurs compétences et leur déontologie. Leur principal atout est l’impartialité : leur jugement n’est pas lié à une vente future. Ils agissent en tant que conseillers objectifs pour des partages, des successions, des assurances ou simplement pour établir un dossier d’authentification solide. Leur disponibilité peut être plus limitée et leurs honoraires sont directs.
Enfin, les experts de galeries et les marchands spécialisés représentent une troisième option. Un galeriste qui a consacré sa vie à un artiste ou à un mouvement possède une connaissance profonde et un « œil » particulièrement affûté sur son domaine de prédilection. Il est une source d’information précieuse. Le risque, cependant, est un potentiel conflit d’intérêts s’il se positionne à la fois comme évaluateur et acheteur potentiel. Le tableau ci-dessous synthétise ces différentes options pour vous aider à y voir plus clair.
Le choix dépendra donc de votre objectif : une vente rapide, une évaluation patrimoniale impartiale ou un premier avis de spécialiste. Il est souvent judicieux de croiser les avis pour consolider le dossier de votre œuvre.
| Type d’expert | Caractéristiques | Avantages | Inconvénients |
|---|---|---|---|
| Experts des grandes maisons | Artcurial, Christie’s, Sotheby’s | Réputation internationale | Frais élevés (jusqu’à 30%) |
| Experts indépendants agréés | Membres SFEP, CNES, CNE | Impartialité garantie | Disponibilité variable |
| Experts de galeries | Spécialistes affiliés | Connaissance approfondie du marché | Potentiel conflit d’intérêts |
Le Caravage trouvé dans un grenier : ces histoires incroyables où l’œil de l’expert a tout changé
Parfois, le verdict d’un expert ne se contente pas de fixer une valeur ; il réécrit une page de l’histoire de l’art et transforme la vie des propriétaires. L’affaire du « Caravage de Toulouse » est l’exemple le plus spectaculaire et le plus médiatisé en France de ces dernières décennies. C’est une véritable leçon sur l’importance cruciale de l’expertise.
L’histoire commence en 2014. En voulant réparer une fuite d’eau, les propriétaires d’une maison près de Toulouse découvrent une toile oubliée dans un galetas. Le tableau, une représentation saisissante de « Judith décapitant Holopherne », est confié à un commissaire-priseur local qui, flairant une œuvre d’importance, fait appel à l’expert parisien Éric Turquin, spécialiste des maîtres anciens. C’est le début d’une enquête de plusieurs années. L’œil de l’expert, puis les analyses scientifiques, mènent à une conclusion explosive : il s’agirait d’une version perdue du Caravage, peinte autour de 1607.
L’impact de cette attribution est sismique. D’une toile oubliée, on passe à un chef-d’œuvre potentiel. En 2016, l’État français classe l’œuvre Trésor National, interdisant sa sortie du territoire pendant 30 mois pour donner le temps aux musées nationaux, notamment le Louvre, de se porter acquéreur. Comme le rapporte une dépêche de France Info de l’époque, l’estimation donne le vertige : la valeur est alors fixée à 120 millions d’euros. Finalement, l’État ne l’achètera pas, laissant la voie libre à une vente privée juste avant les enchères prévues en 2019.
Ce cas d’école illustre parfaitement le pouvoir de l’expertise. Sans l’intervention d’un commissaire-priseur avisé puis d’un spécialiste reconnu, ce chef-d’œuvre aurait pu être vendu pour une bouchée de pain, voire rester dans l’oubli. L’enquête menée par l’expert a permis de révéler son histoire, de construire sa valeur et de le placer au centre d’un enjeu culturel et financier d’envergure nationale. C’est la démonstration que derrière chaque expertise se cache la possibilité d’une découverte qui peut changer le destin d’une œuvre et de ses détenteurs.
Quand les experts ne sont pas d’accord : les grandes batailles d’attribution du monde de l’art
L’affaire du Caravage de Toulouse n’est pas seulement l’histoire d’une découverte ; c’est aussi celle d’une controverse. Car si l’expertise est une enquête, elle n’aboutit pas toujours à un verdict unanime. Le monde de l’art est régulièrement secoué par de véritables batailles d’experts, où des spécialistes de renommée mondiale s’affrontent sur l’attribution d’une même œuvre. Ces désaccords prouvent que l’expertise, même armée de la science, conserve une part d’interprétation et de conviction intime.
Le cas de la « Judith de Toulouse » est emblématique. Alors qu’Éric Turquin et d’autres historiens d’art comme Nicola Spinosa sont convaincus d’y voir la main du maître lombard, d’autres voix prestigieuses s’élèvent pour contester cette attribution. Des experts comme Gianni Papi ou Mina Gregori, spécialiste reconnue du Caravage, y voient plutôt une œuvre de Louis Finson, un peintre flamand contemporain et imitateur de génie du Caravage. Le débat fait rage, à coups d’analyses stylistiques comparées et d’arguments historiques, transformant les colonnes des revues d’art en véritable champ de bataille intellectuel.

Ces controverses ne sont pas rares. Elles touchent les plus grands noms : Léonard de Vinci et son « Salvator Mundi », Rembrandt, Rubens… Pourquoi de telles divergences ? Parce que l’analyse stylistique, le fameux « œil », repose sur une part de subjectivité. Chaque expert a sa propre sensibilité, sa propre lecture de « l’âme » de l’artiste. Pour Éric Turquin, le tableau de Toulouse porte la marque du Caravage car, comme il le dit, « c’est un artiste qui part de la laideur pour faire de la beauté, c’est là qu’il nous parle, qu’il nous capte ». Cette perception quasi philosophique de l’œuvre est au cœur du travail du connaisseur, mais elle est, par nature, sujette à débat.
C’est un artiste qui part de la laideur pour faire de la beauté, c’est là qu’il nous parle, qu’il nous capte.
– Eric Turquin, Europe 1 – L’histoire du Caravage de Toulouse
Ces batailles d’attribution montrent que l’unanimité est un luxe rare dans le monde de l’art. Elles rappellent au collectionneur qu’un certificat ou un avis, même prestigieux, peut être contesté. Une attribution solide est souvent celle qui a résisté à la contre-enquête et qui a fini par emporter l’adhésion d’une majorité du monde académique. Le doute est une part inhérente et saine du processus d’expertise.
Certificat d’authenticité, catalogue raisonné : les « papiers d’identité » de votre œuvre d’art
Dans l’enquête d’authentification, les preuves matérielles et stylistiques sont complétées par une troisième catégorie d’indices : le dossier documentaire. Le certificat d’authenticité et l’inscription de l’œuvre dans le catalogue raisonné de l’artiste sont souvent perçus comme le Saint Graal, la preuve irréfutable de l’origine d’une pièce. En réalité, ces « papiers d’identité » ont une valeur probante forte, mais qui doit être comprise avec nuance.
Le catalogue raisonné est l’ouvrage de référence qui recense, décrit et reproduit l’intégralité de l’œuvre connu d’un artiste. Établi par un historien de l’art qui y a consacré des années de recherche, il fait foi sur le marché. Une œuvre qui y figure est considérée comme authentique. Inversement, une œuvre qui n’y est pas (ou qui figure dans la section des œuvres rejetées) aura une valeur marchande quasi nulle. Faire entrer une œuvre nouvellement découverte dans un futur catalogue raisonné est donc un enjeu majeur.
Le certificat d’authenticité est un document dans lequel une autorité reconnue atteste qu’une œuvre est bien de la main d’un artiste. Mais qui est cette « autorité » ? C’est là que réside toute la complexité. Il peut s’agir de l’artiste lui-même (pour les contemporains), d’un expert indépendant, ou très souvent, des ayants droit de l’artiste (ses héritiers, la fondation qui gère son œuvre). Pendant longtemps, on a cru que seuls les ayants droit détenaient ce « droit moral » d’authentification. Or, la jurisprudence française a évolué.
Un arrêt fondamental de la Cour d’appel de Paris a clarifié ce point, affirmant que l’expertise est une question de compétence, et non de lignage. L’avis d’un expert indépendant peut donc primer sur celui des héritiers s’il est mieux argumenté et si ses compétences sont reconnues par le marché.
Les ayants droit d’un artiste ne disposent pas d’une exclusivité sur l’authentification de ses œuvres. Toute personne peut émettre un avis sur l’authenticité d’une œuvre à condition d’en avoir les compétences et que ces compétences soient reconnues sur le marché de l’art.
– Cour d’appel de Paris, Cabinet De Baecque Avocats
Ces documents ne sont donc pas des totems d’immunité. Ils sont les pièces maîtresses du dossier d’instruction de l’œuvre. Leur force dépend de la réputation et de l’impartialité de leur auteur. Un bon certificat est celui qui est émis par l’expert le plus respecté sur le sujet, qu’il soit ou non un membre de la famille de l’artiste.
Dans la tête des plus grands faussaires : artistes ratés, génies de la technique ou escrocs ?
L’enquête de l’expert ne serait pas si complexe sans l’existence de son adversaire naturel : le faussaire. Figure romanesque par excellence, le faussaire en art fascine car il se situe à la croisée des chemins entre le talent artistique, la connaissance historique et la pure escroquerie. Comprendre ses motivations est une clé pour mieux déjouer ses pièges.
La motivation première qui vient à l’esprit est l’appât du gain. Produire un faux Modigliani ou un faux Chagall et le vendre pour des millions est un crime lucratif. C’est le profil de l’escroc classique, qui exploite la crédulité et la cupidité du marché. Ces faussaires sont souvent des artisans habiles, mais leur objectif reste purement financier.
Cependant, une analyse plus fine des plus grands faussaires de l’histoire révèle des profils psychologiques bien plus complexes. Beaucoup sont des artistes frustrés, dotés d’un immense talent technique mais n’ayant jamais réussi à percer avec leur propre style. La création de faux devient alors une forme de vengeance contre un système de l’art qui les a ignorés. En réussissant à faire passer leur œuvre pour celle d’un maître, ils ont le sentiment de prouver leur propre génie par procuration.
Le cas du français Guy Ribes est particulièrement éclairant. Célèbre pour avoir peint des centaines de faux Picasso, Chagall, Léger ou Matisse qui ont trompé les meilleurs experts pendant des décennies, sa motivation principale n’était pas l’argent, mais le défi. Il décrit le plaisir intellectuel de ce « duel à distance » avec les spécialistes, la jubilation de voir son œuvre accrochée dans une grande collection. C’est un jeu, un défi à l’autorité, une manière de prouver que sa maîtrise technique égale, voire surpasse, celle des experts qui le jugent. Pour ces « génies de la technique », le plus grand triomphe n’est pas la vente, mais l’authentification de leur faux par un comité d’experts.
Cette complexité psychologique rend la traque d’autant plus ardue. L’expert n’affronte pas seulement un escroc, mais parfois un artiste d’un talent exceptionnel, un historien de l’art méticuleux et un chimiste amateur, le tout réuni en une seule personne. C’est ce qui rend ce duel intellectuel si passionnant.
La checklist de l’expert : les 7 critères qui font la valeur d’une œuvre d’art
Au-delà de la question binaire du « vrai » ou « faux », une autre mission cruciale de l’expert est d’estimer la valeur marchande d’une œuvre authentifiée. Cette valeur n’est pas subjective ; elle répond à une grille de lecture très précise, une série de critères objectifs que les professionnels du marché utilisent pour construire un prix. Si chaque œuvre est unique, les facteurs qui déterminent sa cote sont, eux, universels.
Le premier critère est, bien sûr, l’artiste. Sa notoriété et sa cote sur le marché international sont le point de départ de toute évaluation. Des bases de données comme Artprice ou Artnet recensent des millions de résultats d’enchères et permettent de situer un artiste dans une fourchette de prix. Cependant, à l’intérieur de l’œuvre d’un même artiste, des écarts considérables existent.
Le style et le sujet de l’œuvre sont le deuxième facteur. Pour un même peintre, une période sera plus recherchée qu’une autre. Un portrait de la « période bleue » de Picasso n’a pas la même valeur qu’une céramique tardive. De même, certains sujets sont plus « porteurs » : les scènes de marché animées sont souvent plus prisées que les natures mortes austères.
D’autres critères, plus matériels, entrent en jeu, comme les dimensions de l’œuvre. La provenance est également un levier de valeur considérable. Une œuvre ayant appartenu à une collection prestigieuse (comme celles des Rothschild ou des Camondo en France) bénéficiera d’une plus-value importante. L’histoire de l’œuvre est une part de sa valeur. Enfin, son état de conservation et sa « fraîcheur » sur le marché (une œuvre jamais vue en vente depuis 50 ans créera l’événement) sont des éléments déterminants. Voici un plan d’action pour passer en revue ces points essentiels.
Votre plan d’action : les 7 points de contrôle pour évaluer une œuvre
- L’artiste : Vérifier sa cote et ses derniers résultats de vente sur les bases de données professionnelles (Artprice, Artnet, Akoun).
- Le style et le sujet : Identifier la période de création et la comparer aux périodes les plus recherchées de l’artiste. Évaluer l’attrait du sujet.
- Les dimensions : Mesurer l’œuvre, car ce critère a un impact direct et souvent prévisible sur la valeur marchande pour un artiste donné.
- La provenance : Retracer l’historique des propriétaires. Une appartenance à une collection célèbre ou historique est une plus-value majeure.
- La fraîcheur sur le marché : Déterminer la date de sa dernière apparition publique ou en vente. Une œuvre « neuve » sur le marché est toujours un événement.
- L’état de conservation : Examiner l’œuvre à la lumière du jour et avec une lampe UV pour déceler les repeints, les restaurations ou les accidents.
- L’historique d’exposition : Lister les musées ou les expositions d’envergure où l’œuvre a été présentée. Un passage au Centre Pompidou ou au Musée d’Orsay la consacre.
À retenir
- L’expertise d’art n’est pas un don mais une enquête méthodique qui croise analyse stylistique, investigation scientifique et recherche historique.
- La valeur d’une œuvre authentifiée dépend d’une grille de critères objectifs, où la provenance et la « fraîcheur » sur le marché sont aussi cruciales que le nom de l’artiste.
- Le marché de l’art est un champ de batailles intellectuelles où les avis d’experts peuvent diverger, prouvant que la certitude absolue est rare et que le doute fait partie du processus.
Vrai ou Faux ? Plongée dans la cyberguerre entre les faussaires de génie et les experts en art
Le duel intellectuel entre l’expert et le faussaire est aussi vieux que le marché de l’art lui-même. Mais aujourd’hui, ce champ de bataille se déplace. L’avènement du numérique et la croissance exponentielle du marché de l’art en ligne, qui représentait près de 10 milliards de dollars en 2022, ont ouvert une nouvelle ère : une cyberguerre où les technologies de pointe deviennent les armes des deux camps.
Du côté des faussaires, le numérique offre des outils de reproduction et de diffusion redoutables. L’imagerie haute définition permet d’analyser la texture et le coup de pinceau d’un maître avec une précision inégalée. L’intelligence artificielle peut même apprendre et reproduire une « signature stylistique », créant des œuvres « à la manière de » qui n’ont jamais existé. La vente en ligne, via des plateformes moins régulées, facilite la mise en circulation de ces faux auprès d’un public mondial et parfois moins averti.
Face à cette menace, les experts ripostent avec un arsenal technologique tout aussi sophistiqué. Les techniques d’imagerie scientifique (spectrométrie, réflectographie infrarouge) sont de plus en plus précises pour l' »interrogatoire de la matière ». Mais la véritable révolution se joue sur le terrain de la traçabilité et de la certification. La technologie blockchain, initialement connue pour les cryptomonnaies, offre une solution inédite pour créer un passeport numérique inviolable pour une œuvre d’art.
Des sociétés françaises comme Arteïa sont à la pointe de cette innovation. Leur solution consiste à associer une œuvre physique à un « jumeau numérique » (un NFT, ou Non-Fungible Token) dont l’authenticité et l’historique de propriété sont enregistrés de manière sécurisée et transparente sur la blockchain. Une puce NFC, dotée d’un système anti-arrachement, est apposée sur l’œuvre et la lie à son certificat digital. Comme le souligne un article de Culture Matin, une œuvre ainsi certifiée a déjà fait son entrée au Musée du Louvre, prouvant la pertinence de cette approche. Cette signature numérique pourrait permettre, à terme, d’authentifier une pièce instantanément avec un simple téléphone portable, rendant la fraude bien plus complexe.
Cette cyberguerre ne fait que commencer. Elle ne remplacera jamais l’œil et la culture de l’expert, mais elle lui fournit des outils d’investigation et de certification d’une puissance nouvelle. Pour le collectionneur, elle promet un marché potentiellement plus transparent et sécurisé à l’avenir.
L’univers de l’expertise d’art, avec ses enquêtes, ses découvertes et ses controverses, peut sembler intimidant. Pourtant, en comprendre les mécanismes est la meilleure protection pour tout collectionneur ou héritier. Loin d’être une science exacte, c’est une discipline de la preuve où chaque détail compte. La prochaine fois que votre regard se posera sur une œuvre ancienne, vous ne verrez plus seulement une image, mais un dossier potentiel, une histoire à reconstituer. Pour naviguer ce labyrinthe fascinant et à hauts enjeux, s’entourer d’un expert compétent n’est pas une option ; c’est la première étape stratégique de votre propre enquête.
Questions fréquentes sur l’expertise et l’authenticité des œuvres d’art
Quelle est la différence entre un faux et une copie légale ?
La différence réside dans l’intention. Une copie légale est une reproduction déclarée et vendue comme telle, souvent avec des dimensions légèrement différentes de l’original pour éviter la confusion. Un faux, en revanche, est une imitation créée dans le but de tromper l’acheteur en se faisant passer frauduleusement pour une œuvre originale et authentique.
Comment le droit français punit-il la contrefaçon artistique ?
En droit français, la contrefaçon artistique est un délit sévèrement puni, distinct du simple recel. Les peines peuvent inclure plusieurs années d’emprisonnement et des amendes significatives, dont le montant est calculé en fonction du préjudice subi par les ayants droit de l’artiste et par le marché.
Un faussaire peut-il avoir du talent artistique ?
Absolument. C’est même souvent une condition nécessaire. Les faussaires les plus célèbres sont des artistes dotés d’une compétence technique remarquable, capables de maîtriser à la perfection les styles, les techniques et les matériaux des maîtres qu’ils imitent. Leur talent est mis au service de l’imitation plutôt que de la création originale.